Admirez ses hanches larges, sa calandre béante prête à avaler l’asphalte, son intérieur en cuir somptueux. C’est une sculpture italienne, posée sur des jantes de 21 pouces. Mais ce que cette vidéo silencieuse ne vous dit pas, c’est que ce SUV cache un secret. Un petit bouton qui transforme ce gentleman en costume Zegna en un hooligan déchaîné. C’est le mode « Corsa », et il devrait être illégal.
Plus qu’un Bouton : Une Déclaration de Guerre
Dans l’univers aseptisé des SUV de luxe, où tout est feutré, digitalisé et optimisé pour le confort, le mode Corsa est une anomalie. C’est un anachronisme. Chez les Allemands, vous avez « Sport Plus ». C’est efficace, clinique, prévisible. Ça aiguise le scalpel. Chez Maserati, vous avez « Corsa ». Traduction : « Course ». Ce n’est pas un scalpel, c’est une tronçonneuse. Activer ce mode, ce n’est pas juste dire à la voiture « je veux aller plus vite ». C’est lui hurler « je veux faire du bruit, je veux du drame, je veux l’opéra ».
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Ce bouton est une déclaration de guerre au bon goût, au silence des voitures électriques et à votre voisinage. Maserati l’a installé, en particulier sur les versions les plus puissantes comme le Trofeo armé de son V8 d’origine Ferrari, en sachant pertinemment que 90% de son utilisation se ferait de manière totalement inappropriée. Et c’est exactement pour ça qu’on l’aime. Il ne s’agit pas d’optimiser un temps au tour sur le Nürburgring ; il s’agit de faire crépiter l’échappement dans un tunnel à 2h du matin.
Anatomie d’une Transformation : Ce que Corsa change Vraiment
Alors, concrètement, que se passe-t-il lorsque votre doigt appuie sur ce symbole interdit ? Ce n’est pas un simple placebo. Le Levante subit une métamorphose instantanée, qui touche tous ses organes vitaux. La première chose que vous remarquez, ce n’est pas une sensation, c’est un son. Les valves actives de l’échappement, jusque-là socialement acceptables, s’ouvrent en totalité et en permanence. Le V6 du Modena se met à gronder comme un bariton en colère, et le V8 du Trofeo lâche une fureur digne d’une F1 des années 90. Le ralenti lui-même devient instable, menaçant.
Mais le son n’est que l’apéritif. La suspension pneumatique « Skyhook », d’ordinaire si conciliante, s’abaisse et se raidit à un niveau presque comique pour un usage routier. Vous sentez la texture du bitume, le moindre gravier, la peinture des passages piétons. C’est inconfortable, c’est brutal, et c’est exactement le but. La voiture vous rappelle qu’elle n’est pas là pour vous masser le dos, mais pour vous connecter à la route. La réponse de l’accélérateur devient télépathique. La moindre millimètre de pression sur la pédale de droite se traduit par un bond en avant.
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Le Son : L’Opéra Illégal de Modène
Parlons franchement : la raison d’être du mode Corsa, c’est le bruit. C’est l’argument de vente principal. Dans un monde qui marche vers le silence électrique, le son du Levante en mode Corsa est un acte de résistance. Ce n’est pas un bruit généré par ordinateur ou diffusé dans les haut-parleurs. C’est le son authentique de la combustion, de la mécanique de précision et d’une ingénierie acoustique italienne totalement dénuée de scrupules.
Utiliser ce mode en ville, c’est comme se promener avec une sono de 3000 watts sur l’épaule en jouant du Puccini à fond. Les décélérations sont un feu d’artifice de crépitements, de « pops and bangs » qui font se retourner les passants et (probablement) déclencher les alarmes des autres voitures. C’est théâtral, c’est excessif, c’est inutile et donc absolument indispensable. Maserati vous demande de ne pas l’utiliser en ville parce que c’est antisocial. Mais ils vous donnent le bouton bien en évidence, comme une pomme dans le jardin d’Éden. Ils savent que vous allez craquer.
Corsa et Launch Control : Le Secret pour Griller tout le Monde au Feu Rouge
L’autre raison pour laquelle ce mode est « interdit » en ville, c’est qu’il déverrouille l’arme ultime de la performance : le Launch Control. Sur les versions Trofeo, cette fonction n’est accessible que lorsque le mode Corsa est enclenché et l’antipatinage (ESC) désactivé. La procédure est digne d’un lancement de fusée : pied gauche sur le frein, Corsa activé, ESC Off, pied droit écrasant l’accélérateur. Le V8 hurle, la voiture se cabre, et au lâcher du frein, les 2,2 tonnes du SUV sont catapultées de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes.
C’est une violence pure, conçue pour les départs arrêtés sur circuit. L’utiliser entre deux feux rouges est une aberration… que Maserati a rendue possible. C’est là que l’on voit la différence de philosophie. Un concurrent allemand vous donnerait un mode « Race » avec 400 pages de manuel et des avertissements légaux. Maserati vous donne un bouton « Corsa », un son démoniaque, un Launch Control, et vous fait un clin d’œil. « Amuse-toi, mais si tu te fais prendre, on ne se connaît pas. »
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Le Crépuscule d’une Ère
Ce mode Corsa, c’est l’âme du Levante. C’est le fantôme de Juan Manuel Fangio qui vous tape sur l’épaule. Aujourd’hui, alors que la production du Levante tel qu’on le connaît touche à sa fin pour laisser place à l’inévitable révolution électrique « Folgore », ce bouton prend une tout autre signification. Il n’est plus seulement une fonction ; il est un testament.
C’est le dernier rugissement d’une époque où les voitures de luxe pouvaient encore être bruyantes, imparfaites, capricieuses et dangereusement charismatiques. Le futur Levante Folgore sera sans doute plus rapide, plus efficace et plus intelligent. Mais aura-t-il un bouton qui vous donne la chair de poule juste en le pressant à l’arrêt ? Appuyer sur « Corsa » dans un Levante, ce n’est pas un réglage. C’est un acte de rébellion. Et c’est précisément pour cela que ce SUV, même vieillissant, restera dans les mémoires.