Le Mode Drift de la Mercedes-Benz CLE 53 AMG : Gadget Inutile ou Machine à Fun Absolue ?

Vous êtes au volant d’un coupé allemand sculpturale, un moteur conçu pour traverser les continents dans un silence de cathédrale et une opulence de cuir Nappa. Le système audio Burmester diffuse un jazz feutré, la suspension filtre les imperfections du bitume avec une arrogance aristocratique. Et soudain, d’une combinaison de boutons digne d’un code de lancement nucléaire, vous décidez de tout envoyer valser. Le pont avant se déconnecte, les aides électroniques partent en pause café, et les 449 chevaux du six cylindres en ligne se ruent uniquement sur les roues arrière. Bienvenue dans la double personnalité schizophrénique de la nouvelle Mercedes-AMG CLE 53. Mais derrière la fumée des pneus et les promesses marketing, ce « Drift Mode » a-t-il vraiment sa place sur une GT de deux tonnes ?

L’ingénierie du chaos : Comment ça marche ?

La CLE 53 AMG n’est pas, par défaut, une propulsion. C’est une machine ultra-efficace dotée de la transmission intégrale 4MATIC+. Dans 99% des cas, ce système est votre garde du corps, répartissant le couple entre l’avant et l’arrière pour vous garder vissé à la route, même sous les pluies torrentielles de Douala. Mais les ingénieurs d’Affalterbach ont injecté un virus dans le système. Lorsque vous activez le mode Drift, l’embrayage électromécanique qui relie l’essieu avant s’ouvre complètement.

Ce n’est pas une simulation électronique qui freine une roue pour faire pivoter la voiture. C’est mécanique. Physique. Brutal. L’arbre de transmission avant devient un spectateur inutile, et la totalité des 560 Nm de couple (600 Nm en overboost) torture le train arrière. C’est là que la magie opère. Contrairement à une BMW M4 qui est une propulsion sauvage que l’on tente de dompter avec une transmission intégrale optionnelle, la CLE fait le chemin inverse. Elle fait partie de la sécurité pour aller vers la folie. Cette transition exige une confiance absolue dans le châssis, car faire glisser un beau bébé de près de 2 000 kg exige plus que de l’optimisme : ça exige de la physique de haut vol.

Le rituel d’activation : Un code secret pour initiés

Mercedes ne vous donne pas ce pouvoir facilement. Vous ne trouverez pas un gros bouton rouge marqué « FUN » sur le tableau de bord. Non, l’activation du mode Drift ressemble à un rite initiatique, ou à un code de triche de jeu vidéo des années 90. Il faut d’abord passer en mode « Race » (ce qui durcit tout, de la suspension à la direction), désactiver totalement l’ESP (une action qui fait déjà suer les mains), tirer les deux palettes au volant vers soi, et confirmer avec la palette de droite.

Pourquoi tant de complexité ? Parce que Mercedes veut être sûr que vous êtes conscient de ce que vous faites. C’est une décharge de responsabilité déguisée en procédure technique. Une fois activé, le tableau de bord numérique change d’ambiance, et la voiture vous dit clairement : « Tu es seul maintenant ». C’est intimidant, c’est théâtral, et c’est absolument génial. Cette séquence crée une anticipation, une montée d’adrénaline avant même que la première roue ne patine. C’est du design émotions pur, orchestré non pas par des lignes de carrosserie, mais par des lignes de code.

L’option « Pack Dynamic Plus AMG » : Le prix de la glisse

Voici la vérité qui fâche et que beaucoup ignorent avant de signer le bon de commande. Ce fameux mode Drift n’est pas livré d’office avec votre CLE 53 AMG standard. Il est enfermé derrière une forteresse d’options appelée le « Pack Dynamic Plus AMG ». Sans ce pack, votre coupé reste une GT rapide et grippée, mais incapable de se déhancher vulgairement sur commande.

Ce pack comprend également les supports moteur dynamiques (qui rigidifient la connexion entre le moteur et le châssis en conduite sportive) et des étriers de frein peints en rouge. C’est un choix mesquin face à certains, ou une segmentation intelligente face aux autres. Cela signifie que la majorité des CLE 53 que vous croiserez sur la route seront techniquement incapables de dériver. C’est une option pour les puristes, pour ceux qui veulent savoir qu’ils peuvent le faire, même s’ils ne le font jamais. C’est le luxe ultime : payer pour une capacité inutile.

Sur la piste : Ballet ou Boucherie ?

Alors, une fois le mode activé et le portefeuille allégé, comment ça se comporte ? Étonnamment bien. L’empattement de la CLE est identique à celui de la Classe C, mais sa largeur de voie a été considérablement augmentée (+58 mm à l’avant, +75 mm à l’arrière par rapport à une norme CLE). Ces hanches larges ne sont pas que du design pour plaire à Eduardo Benz ; elles offrent une assise phénoménale.

En glisse, la CLE 53 est plus progressive qu’une C63. Le moteur six cylindres en ligne de 3,0 litres, aidé par un compresseur électrique, offre une réponse immédiate, sans le « lag » des turbos traditionnels qui peuvent vous envoyer dans le décor en milieu de virage. La voiture est lourde, certes, et vous ressentez cette inertie lorsque l’arrière décroche, mais c’est un poids qui rassure. Elle ne mord pas traîtrement. Elle s’installe dans la glisse avec une certaine onctuosité. C’est moins « couteau entre les dents » qu’une BMW M2, c’est plus « cigare et whisky ». On fait fumer les pneus avec élégance. C’est un hooligan en train de fumer.

L’âme de la machine

Est-ce un gadget inutile ? Objectivement, oui. Sur route ouverte, l’utiliser est suicidaire et illégal. Sur circuit, la CLE n’est pas l’arme idéale pour chasser le chrono face à une Porsche. Mais l’automobile passion n’a jamais été une affaire d’objectivité. Le Mode Drift de la CLE est une déclaration d’intention. Il prouve que Mercedes n’a pas oublié que conduire doit être amusant.

Dans une ère où tout s’aseptise, où les moteurs perdent leurs cylindres et où les voitures deviennent des smartphones sur roues, la présence d’un mode qui transforme votre luxueux coupé en machine à faire des beignets est un acte de résistance. C’est une fonctionnalité qui donne une âme à la machine. Même si vous ne l’activez qu’une fois par an, sur un parking désert sous la pluie, juste pour sentir l’arrière chasser et votre cœur s’emballer, alors ce « gadget » aura justifié chaque centime de son prix. La CLE 53 AMG n’avait pas besoin du mode Drift pour être une bonne voiture, mais elle en avait besoin pour devenir une voiture mémorable.